2015 • territoire dérive

Collectif - collecter


Temps de transition entre les présentations d'Uzès au printemps dernier, et les étapes de 2016, cet automne 2015 offre un terrain d'expérimentation particulier pour le projet.
Sous la forme d'une randonnée de 3 jours dans l'Uzège et au-delà, du samedi 17 au lundi 19 octobre, l'équipe artistique et le CDC Uzès danse partent en effet dériver artistiquement par les villages et les paysages, à la fois pour continuer de s'ancrer dans un territoire local et pour faire bilan d'un projet qui, au bout d'un an, offre de nouvelles perspectives.

La visée est ouverte : à travers différentes pratiques artistiques quotidiennes – enquête photographique, rencontres préparées ou spontanées avec des habitants, visite/étude des monuments aux morts, collecte de témoignages, etc –, nous désirons inventer notre trajet de village en village, de jour en jour.
En regard du contexte que nous allons découvrir, des imaginaires qui se déclenchent, de la documentation qui s'écrit, nous souhaitons nous ouvrir à la rencontre et à l'inconnu qui nous permettent de maintenir vivante la pratique de ce projet chorégraphique sociétal.
Afin d'élargir cette approche, des participants aux étapes précédentes du projet sont invités à se joindre à nous lors de ces 3 journées qui réinventent pour nous aussi la notion du public. Sans aucune visée spectaculaire, nous rendre disponible et visible auprès des habitants élargit en effet la question du "rendre public" d'une démarche qui cherche tout autant à stimuler un état d'être artistique dans un quotidien habitant, qu'à réfléchir à la manière dont une telle démarche artistique porte en elle-même sa propre médiation de terrain.

Les notes-résumé qui suivent sont une manière de lister quelques procédés, choisis ou inventés spontanément, qui ont scandé notre dérive collective.

§
Chaque matin : un protocole de questions pour aborder les monuments aux morts et interroger les personnes est établi, ainsi que le principe de choisir un mot pour scander la journée. Mot prisme, choisi dans un champ lexical guerrier, médité durant la journée.
Des rôles sont distribués pour répartir les responsabilités entre les personnes du groupe :
L’ÉCLAIREUR (part en avant chercher le monument aux morts), le TÉMOIN (observe), le VEILLEUR (reste la nuit sur place), MÈRE COURAGE (prend soin du groupe, la logistique)
A certains moments de la dérive, le groupe se partage en deux sous-groupes pour explorer des pistes différentes.

Samedi 17 octobre
Les dériveurs se retrouvent à Uzès devant le monument aux morts.
Plusieurs directions sont proposées dont celle donnée par le coq doré qui surplombe le monument aux morts d’Uzès. Mais un tirage au sort choisit notre première direction : la Vallée de l’Eure.
Le mot du jour : CAMPAGNE
battre la campagne - battre le pavé - rase campagne - partir en campagne militaire, électorale - campus - franche campagne - villes franches…
Les villages de Saint Maximin, Sagriès et Sanilhac sont traversés et des relevés sur les monuments sont effectués : dates, noms, photos. Micro-trottoirs, tirage au sort pour choisir des directions, enregistrements audio avant d'arriver devant un monument aux morts (imaginer ce qui nous attend), auto-stop pour collecter des paroles d'habitants, constitution d'herbier, relevé par empreintes...


Dimanche 18 octobre 

Rendez-vous est donné à Sanilhac. Il pleut. Les mots du jour : QG/ REPLI.
De Sanilhac, direction Blauzac. Tentative de reconstitution d'un poème appris dans l'enfance, réflexion collective sur la notion de co-participation : pas de séparation entre public et artistes.
Pique-nique dans le lavoir. Il n’y a pas de monument aux morts à Blauzac. Après plusieurs discussions avec des habitants, il ressort que la construction du monument a fait l’objet de polémiques entre élus et qu’il a finalement été décidé de ne pas en ériger. Certains habitants nous envoient vers le cimetière et le temple.
La dérive se poursuit vers Russan, Aubarne et Sainte Anastasie. En voiture. Toujours sous la pluie. A Sainte Anastasie, vue au-dessus du Gardon. Exercice perceptif. La visite de la Maison du grand site des gorges du Gardon et la rencontre avec un médiateur nous orientent vers une plaque mémorielle à la gare de Remoulins dont nous faisons notre destination pour le lendemain.

Lundi 19 octobre
Les mots du jour : TRANSMISSION/ CHEMIN DES DAMES
Point de départ Russan (Saint Anastasie) pour rencontrer des élus de la Mairie et se renseigner sur l’histoire du monument.
La veille, le constat avait été fait que deux plaques étaient superposées sur le même monument, l’une plus ancienne et l’autre plus récente comportant davantage de noms.
L’élue rencontrée n’a pas pu nous renseigner de manière très précise si ce n’est que le monument a été installé à l’endroit actuel en 2000 et que la plaque rassemble les noms des plaques commémoratives de Russan, d’Aubarne et de Vic.

La dérive se poursuit vers Collias où on gare nos véhicules. Soleil revenu, lumière d'automne. S'ensuit une longue marche vers le Pont du Gard, on évite les grands axes. Mais dans Remoulins le monument aux morts est dissimulé par le trafic et les voitures de la Poste garées devant. Quelques mètres plus loin, en retrait, on découvre quasi par hasard la plaque apposée sur le mur de l’ancienne gare. Cette plaque commémore le passage d’un convoi de prisonniers de la seconde guerre mondiale, en route pour Dachau, dont certains ont été sauvés par des cheminots locaux, sauf un, décédé sur place. Journée de photographies, de petits groupes, de marches silencieuses. On finit cette dérive à un arrêt de bus, chacun repartant vers les véhicules éparpillés.
 §